Archives Mensuelles: février 2015

Muette

plus de sourires sous la peau je ne sens que

marécages fissures incohérences sinistres

j’ai peur qu’on vienne me chercher

j’ai peur qu’on ne me trouve pas

et la voix monte le cri sonore l’appel à l’aide

comme une gifle au fond du coeur depuis trop longtemps retenue

CELA

CELA NE SORT PAS

CELA NE VEUT PAS SORTIR

la voix perdue la voix à l’horizontale des lèvres

la voix enfant des rues la voix cadavre au fond des bois

la voix qui trahit qui perce qui salope tout par son absence

la voix vengeresse couteau à ta propre gorge

CELA

COMME UN PREMIER HURLEMENT

CELA CELA CELA DOIT SORTIR

mais trop tard changement d’océan tout est jeté à l’abysse

tu n’as pas su te sauver ta bouche n’a pas pu t’accrocher au monde

dans les poumons quelques algues flottent

cela

cela aurait dû sortir

Ariane

J’ai vu

J’ai vu dans mes rêves délirants une foule immense de parias
Jetant leurs pauvres corps transis pour s’empiler comme des rats
Contre d’immenses pyramides construites de leurs propres mains
Faites d’ordures Dorées de nacre aux premières lueurs du matin

J’ai vu l’horreur des holocaustes Et la beauté des crépuscules
J’ai vu des pauvres gars en file qui attendaient qu’on les encule
J’ai vu une ombre paranoïaque suivant les jeunes filles dans les rues
Et des panthères multicolores qui voulaient les manger toutes crues

J’ai vu la vengeance des peuples Nus et ricanant comme des hyènes
J’ai vu des fusées décoller vers d’hypothétiques édens
J’ai vu des étoiles mourir sans que personne ne les pleure
Et une folle que j’aimais crier en s’arrachant le cœur

J’ai vu cela j’ai vu bien pire et dans ma ville monotone
Je vois des rois et des martyrs mais plus rien jamais ne m’étonne

Walden

Le grand serpent

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J’ai fixé le grand serpent,

Je lui ai chanté sa musique,

J’ai écouté ses sifflements.

 

J’ai tué le grand serpent,

Tué sa musique,

Étouffé ses sifflements.

 

Il n’est plus qu’une ligne molle, un regard plat, une onde figée,

J’ai écrasé le mouvement, la danse damnée du grand serpent.

J’ai pris son corps en écharpe, étoffe froide et mouillée,

Comme une corde autour du cou, de mon souffle fatigué.

 

J’ai tué le grand serpent, et son corps mort m’a étouffé.

Ses anneaux sur mon cou nu,

Changeant mes cris en sifflements,

Mon chaos en musique,

Mon corps en ligne molle,

Et froide, et mouillée.

 

Mon regard reptile te juge et transforme.

 

Tu as fixé le grand serpent,

Tu lui as chanté sa musique,

Tu as écouté ses sifflements.

 

Tu as tué le grand serpent,

Tué sa musique,

Et mon corps froid et mouillé change tes cris en sifflements.

Oskar Kermann Cyrus (texte) & Tangerine (illustration)

Filer l’âme

L’âme sur le fil, vaguement illuminée, traque un espoir.

Elle se balance sous le coup d’un vent taquin, cherche un équilibre entre ses deux rives, n’y trouve que le flou.
Agrippée à ce fil, si tendu, si fin, à deux doigts de s’effilocher, elle chante.
Dans cet air, se mêlent tous les sentiments de son corps disparu.

Lame sur le fil, vaguement aiguisée, nargue à sa guise.

Elle apparaît pâle sous ce faux jour, cherche un rayon entre ses deux obscurités, n’y trouve qu’une lumière déclinant.
Arrimée à cet éclat, si hésitant, si discret, à deux souffles de s’éteindre, elle s’obstine.
Dans cette force, se niche encore la flamme du lendemain

Océane Dz

 

Grenade au bord de la mer

Grenade ville rêvée orange comme le poing
Au bout du verger de la phrase
Grenade sans nom de matière
Grenade emplacement de désirs
Grenade simple nom comme on s’attache bien
A l’écorcement l’effeuillement
L’éparpillage
Dans tous les coins de la pièce

Grenade place de ville villégiature d’une fontaine
Dregane régnante
Dargene hallucinée
Regnade la grande
Grenade grande brûlée
Sur le sol éparpillé
Les fruits la bouche qui mord et tue
Qui se soucie du dessin
Sous le goût de l’esprit-souche –
Triptyque remuant de nuances.

Grenade la ville à trois coups
De feu de danse et de théâtre
Grenade à l’envers à l’endroit :
aucun autre motif que la sympathie d’un nom
Grenade souffre brisé
Grenade-Pompéi
Ville des morts et de l’oubli
Villes volcanisées
Galvanisantes îles
Pour l’archipel de l’esprit un isthme à chaque pensée

Grenade gredine et Grenade est en garde
Pour la conquête illuminée
Grenade militaire et militant arpège
Porté par l’orange lèvre d’Afrique
Grenade qui n’est plus Grenade
Grenade devenue tout autre chose qu’elle
Grenade explosée
en des fragances de pépins
en une pépinière de fragments
d’où sort une rose étrange et belle

Grenade la nouvelle Rome
La Babylone de l’esprit
L’antique récente disparue
La toujours sue et toujours nue
L’amour de ruine et de silence
Grenade rouge grenade argende
Vers où s’envole la Colombe
d’un Occident encore moderne

Julien

Calmer le monstre

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Le monstre frappe les barreaux de sa cage, ses doigts griffus sur mes tripes

Mon sang dans ses yeux

Il souffle glacé, se bat

Frappe les barreaux de ma cage

Se débat et rugit.

 

S’il sort un grand trou dans ma poitrine. Le monstre est mon cœur s’il bat je perds les mots s’il bat, s’il bat…

Si j’écris je l’endors. S’il dort pas de morts. S’il bat…

 

Et j’ai perdu les mots.

Il y a des trous dans mes lignes, des blancs dans mon crâne, un trait plat infini.

Mon texte est une mort cérébrale.

J’ai perdu les mots, perdu la vie

J’ai gagné la folie.

A deux pas de ma route, la furieuse qui me guette, ses yeux fous dans mon dos.

 

Le monstre bat, le monstre est sorti, il a ouvert la cage un grand blanc dans mon crâne.

J’ai perdu les mots et le monde est un mort en sursis.

S’il bat la folie.

Un grand blanc dans mon crâne, sur mon trottoir un cadavre.

Le monstre est sorti. Le monstre est sorti. Le monstre est sorti. Le monstre est sorti. Le monstre est sorti. Le monstre est sorti. Le monstre est sorti. Le monstre est sorti. Le monstre est sorti.

 
Oskar Kermann Cyrus (Texte et illustration)

 

Le magicien

Vicieux vain violent et voleur vampire
Je suis un magicien que plus personne ne croit
J’arrive toujours trop tard je cours après les heures
Plus personne ne me prête la moindre once de foi
Je séduis sans y croire sans le vouloir vraiment
Et on me crache dessus au moindre de mes pas
Lorsque j’erre désœuvré dans les couloirs du temps
Sans trompette et sans gloire sans fierté ni aura

Je suis le grand coupable jamais emprisonné
Un ange vagabond que l’on invoque plus
Je suis Médée-la-folle superbe désespérée
Je suis l’ombre sournoise qui te suit dans la rue
Fuis moi je suis infâme et mauvais et bancal
J’avalerais le monde si je le pouvais seulement
Pour le recracher vite comme un feu de Bengale
Et l’envoyer valser au fond du firmament

Walden

Ouï-dire

J’ai ouï-dire
Que la vie ne te retient plus
Que les oiseaux ne chantent plus
Que les pardons ne s’entendent plus

J’ai ouï-dire
Que les morts ne cessent plus
Que le sage ne sait plus
Que les bombes ne se taisent plus

Et que le sang ne s’endigue plus
Comme les montées d’eau en hiver
Un désespoir, rien de plus
Qui t’entraîne, t’enchaîne à la guerre.

Et cet ouï-dire, comme une lointaine rumeur
Ne m’arrête plus, ne me frappe plus
Tel un lointain malheur
Un étranger que je n’entends déjà plus.

Océane Dz

De la vie tu n’as rien vu

Si tu n’as jamais vu un homme à terre
Alors de la vie tu n’as rien vu,
Si tu n’as jamais vu un homme à bout de force
Alors de la vie tu n’as rien vu
Si de la voix d’un autre tu n’as entendu que des insultes
Alors de la vie tu n’as rien entendu
Si tu n’as senti d’un autre que les coups et les blessures
Alors de la vie tu n’as rien senti
Si tu n’as jamais goûté à l’odeur âcre de la défaite
Alors de la vie tu n’as rien goûté
Si tu n’as pas aidé cet homme à terre à se relever,
a affronter, a régler ses problèmes,
Si tu as préféré rester dans ton confort en pensant
qu’il ne valait mieux pas s’en mêler
Tu as sans doute raison
Mais de la vie alors tu n’as rien compris

MB