Suintante par tous mes pores, la haine coule le long de ma peau.
Elle glisse sur mon corps comme une huile noire, aqueuse et puante.
Elle s’insinue et entre par mes yeux, mon nez, ma bouche (Ah !… Goût délectable).
Elle s’insinue et entre comme un serpent.
Je le sens descendre dans ma gorge, il m’empêche de respirer un instant puis, déjà, il est dans l’œsophage.
Il glisse encore un peu et se love dans mes intestins.
Et puis il dort.
Tranquille.
Il reste là et le seul souvenir qu’il m’en reste, c’est ce goût sur la langue.
Il ne disparaît jamais.
Mais il n’est plus le même.
Il n’est plus doux comme un bonbon au miel mais âcre et piquant comme un ananas pourrissant au soleil.
Je suis Atlas ne supportant plus le monde.
Je l’ai jeté à bas et le défonce à grands coups de poings.
Prend plaisir, ami lecteur, à me voir geindre et me tordre sur cette feuille.
J’écris ces mots comme on vomit une bile trop acide.
Mon estomac me fait mal, une fois de plus.
Je suis las mais mes nerfs veulent un combat supplémentaire, et qui a-t-on déjà vu lutter contre ses nerfs et gagner ?
Pas moi en tout cas.
Ils prendront le dessus, je le sais…
D’ailleurs c’est déjà fait sinon je ne serais pas attablé devant cette feuille de papier.
Depuis la fenêtre je peux voir des morceaux de mon étendard s’étirer et fuir avec le vent d’Ouest.
Le crépuscule est un ami fidèle pour moi aussi, un bourreau.
A chaque visite il me siffle dans les oreilles que j’ai laissé mon étendard se déchirer.
Que pouvais-je faire d’autre ? Ca s’use ces choses là !
Peu importe, mes nerfs sont plus forts que le crépuscule, ils sont plus forts que tout.
Je te l’ai dit, ce sont eux qui veulent encore se battre.
Moi, je ne peux même plus faire un pas pour me déshydrater ou me nourrir.
La peau sur les os de mes mains et de mon visage s’est desséchée. Elle se craquelle et commence à tomber par plaques.
Si le vent pouvait pénétrer dans cette pièce, il emmènerait des morceaux de mon visage comme ceux de mon étendard.
S’il pouvait emmener un peu de ma conscience et de ma raison…
J’ai cru que je pourrais être là, j’ai cru que j’étais puissant, que j’étais Dieu…
Mais Dieu n’existe pas. Alors aujourd’hui, je ne suis personne.
Ou alors Dieu existe, et c’est lui pour me punir de mon blasphème qui est entré en moi et m’a battu de l’intérieur.
Sinon, comment expliquer ces poings qui m’ont martelé le ventre et les poumons ?
Je suis mon propre bourreau.
Dieu n’existe pas.
Je traverserai les landes sombres dans un silence de mort.
Pas un son ne passera mes lèvres.
Pas une brindille ne craquera sous mes pieds.
Les chiens n’aboieront pas.
J’aurai le corps nu, scarifié de peintures guerrières. Je me ferais mordre et griffer, et je tremperais mes mains dans l’acier bouillonnant.
Et quand enfin mon cœur sera d’ébène et que mon visage sera recouvert de mille cicatrices ; alors je passerai à nouveau les portes de la cité.
Et tous les monstres d’hier ne seront plus que des singes savants se tortillant lamentablement sur le sol.
En riant, je les écraserai un par un sous mes semelles.
Dan